Il y a une carence de journalistes locaux
« Il y a une désertion au niveau local, puisque ce mouvement-là a pris une ampleur localement, un peu partout. Il n’y avait pas qu’un seul mouvement à Paris, il y a avait des blocages un peu partout notamment à Narbonne, Toulouse, à Marseille, etc… Donc fallait-il aussi qu’il y ait des journalistes éclaireurs locaux. On sait qu’il y a une désertion à ce niveau-là, qu’il y a une carence de journalistes de terrain locaux, clairement depuis des années cela s’accentue y compris chez l’AFP qui a licencié quand même pas mal de gens. Donc effectivement il y avait une absence sur le champ local. »
Journaliste, ex-La Marseillaise
Les éditorialistes et les experts […] ne vont jamais sur le terrain
« les éditorialistes et les experts en plateau sont extrêmement mis en avant, valorisés, etc. alors qu’ils ne vont jamais sur le terrain, et sans parler de ça, les petites mains des médias, c’est-à-dire les journalistes qui débutent, qui sont jeunes ou qui ont pas trop de travail, sont de moins en moins amenés à faire du terrain parce que la presse est en crise. […] Les médias structurellement envoient beaucoup moins de gens sur le terrain pour économiser de l’argent, pour gagner du temps. Parce qu’en fait la plupart des médias aujourd’hui préfèrent valoriser la rapidité de l’information plutôt que ce qu’on appelle des « ajouts éditoriaux », c’est-à-dire au lieu de reprendre l’information AFP, aller sur le lieu où se passe l’événement, et donner sa propre version des faits. »
Journaliste, ex-La Marseillaise
Il faudrait des médias nationaux implantés ailleurs qu’à Paris
« Là, comme le sujet même des gilets jaunes c’était la fracture territoriale, tous les journalistes sont allés sur le terrain, même Macron a fait le tour de tous les bleds paumés.
Après le sujet de la fracture territoriale et le fait qu’on parle pas assez de certains endroits en France, et notamment des endroits ruraux, reculés, etc. avant que les gilets jaunes ne fassent la Une de l’actualité, oui c’était une réalité. C’est-à-dire que moi à La Croix je traitais la politique locale parce que La Croix est un média national très lu en région, mais globalement même là-bas, ils en ont rien à foutre de ce qui se passe localement, la plupart du temps il y a tout un tas de sujets qui rentrent pas dans le radar des médias nationaux parce que les médias nationaux sont tous à Paris, ils parlent tous de Paris. Moi, ma conviction personnelle c’est qu’il nous faudrait des médias nationaux implantés ailleurs.
Évidemment vous ne pouvez pas implanter un média au milieu des champs, c’est pas possible, y a quand même besoin d’être relié à des choses. Mais c’est vrai que si on avait des médias nationaux, on en a quelques-uns, mais très peu quand même, implantés dans d’autres zones de France… »
Journaliste pigiste, ex-Direct Matin, La Croix, presse professionnelle spécialisée
Des journalistes sont dans un monde très éloigné de celui des Gilets jaunes
« Je pense également que des journalistes, par manque de terrain ou entre soi permanent, sont dans un monde très éloigné de celui des Gilets jaunes. Beaucoup de rédactions sont concentrées à Paris et alimentent cette vision complètement différente du monde. Je suis pigiste, membre d’un collectif, et j’ai entendu des confrères et consœurs s’étonner sincèrement du simple fait que la voiture soit toujours indispensable dans plusieurs endroits en France par manque de transport en commun. Ces mêmes personnes, qui partagent ma profession, ont été également profondément surprises par le mouvement des Gilets jaunes et la dénonciation de leur réalité. Il y a donc un décalage évident entre certaines sphères de la société, et ces fractures vont continuer à se creuser si l’on n’agit pas »
Journaliste pigiste
Il y a un fossé entre les bureaux parisiens et les journalistes de terrain
« Il y a une grande différence entre ce que pensent les bureaux à Paris et les journalistes de terrain qui glanent l’info. Il y a un fossé interne entre les bureaux de la capitale et les organes de presse régionale de terrain. Quelques pratiques sont à changer pour que les gens regagnent confiance dans les médias. »
Journaliste pigiste, BFMTV, M6, Infosport+, La Chaîne l’Equipe
Les médias semblent peu conscients des problèmes qui les entourent
« La critique des médias est méritée et nécessaire. Nous ne pouvons nier qu’ils sont souvent trop concentrés et ne dévoilent pas toujours le monde tel qu’ils le devraient. Les médias semblent peu conscients des problèmes qui les entourent, pratiquant de moins en moins du travail de terrain, ayant moins d’écoute et je m’inclus dans cette critique. »
Journaliste 1, Mediapart
Quand on est en local, on n’est jamais déconnecté
« Comme moi je suis localière, je vis parmi les gens. Localement, comme je vous ai dit, on était préparé ce jour-là. Ça s’est super bien passé, j’ai fait mon travail. Mais quand on est en local, on n’est jamais déconnecté. Donc moi j’ai retrouvé des gens que je connaissais là-bas, que j’ai croisé dans d’autres reportages. « Oui c’est vrai, on la connait et on sait comment elle bosse » disent-ils. Quand on est localier et qu’on est connu, tout se passe bien. Après bien-sûr si j’avais été mal aimée, ça me serait tombé dessus. »
Journaliste, ex-La Marseillaise
En tant que journaliste local, on a meilleure presse !
Comme d’habitude, nous sommes allés sur le terrain ! Pas toujours bien accueillis au début sur les ronds-points, c’est sûr, mais bien souvent après discussion, on nous accepte. En tant que journaliste local, on a meilleure presse ! Nous essayons désormais de suivre au mieux ce mouvement très actif, qui demande beaucoup de suivi et donc beaucoup d’heures de boulot. Mais c’est passionnant. Les Gilets jaunes sont des populations qui ont rarement la parole dans les médias. Leur présence en ce moment rééquilibre la balance avec les populations qui ont plus la parole dans les médias (politiques, syndicats, experts…)
Journaliste, Normandie Actu