Le live limite la peur du montage qu’ont les gens
Le direct limite la peur du montage qu’ont les gens « Les principaux retours que nous avons sur le terrain, quand on nous compare avec d’autres médias, c’est que nous sommes en direct pendant 10 ou 12 heures, il n’y a donc pas de coupure de propos. Le direct limite la peur du montage qu’ont les gens avec qui nous échangeons. Les personnes interviewées ont une réelle peur de ce qui va être retenu, coupé, il y a une réelle défiance vis-à-vis de cela.
Journaliste, Brut
Tu ne peux pas raconter les manifestations de huit heures le matin à huit heures le soir
Si tu veux être journaliste, tu ne peux pas couvrir tout. Nous, notre métier, c’est de raconter ce qui se passe, mais pas dans l’exhaustivité, ce n’est pas possible. Tu ne peux pas raconter les manifestations de huit heures le matin à huit heures le soir. Tu vas prendre des moments, tu vas prendre des interviews, tu vas faire des montages, tu vas faire des raccourcis, tu vas faire une synthèse, et tu vas choisir un angle. C’est ce qu’on fait ; à chaque fois qu’il y a des manifestations des “Gilets jaunes”, on fait des synthèses et on choisit des angles. Tu ne peux pas tout couvrir, sinon, il n’y a pas d’angle, il n’y a pas de sujet en fait. C’est comme si tu filmais devant chez toi tout le temps et tu attends qu’il se passe un truc.
Journaliste, France info
Le reportage est valorisé dans sa dimension live
« Parallèlement à ça, du fait que la rapidité dans le système de l’information soit de plus en plus développée, on a vu l’apparition du live, notamment du Live Facebook et de médias comme Brut. Du coup, le reportage est quand même valorisé aujourd’hui mais dans sa dimension live. Ce qui n’est pas mal, parce que les journalistes vont sur le terrain. Mais c’est pas un journaliste qui va sur le terrain, qui voit des trucs, qui revient chez lui, qui réfléchit et qui écrit un article ou qui monte un reportage, ça, ça existe, mais c’est de plus en plus rare. »
Journaliste, ex-La Marseillaise
Certes, le live une forme de journalisme, mais cela ne suffit pas
Même si je comprends les reproches des Gilets jaunes envers nous, il faut avouer qu’ils ont parfois un désir de communication confus avec l’illusion d’un journalisme en live, souhaitant simplement que l’on allume une caméra, se calquant ici sur un certain nombre de médias. Certes, c’est une forme de journalisme, mais cela ne suffit pas, du moins cela ne convient pas à Mediapart. Le journalisme, c’est aussi des choix et des angles différents et complémentaires, ne pas simplement montrer les événements se déroulant sous nos yeux. D’autant plus que ce type de journalisme en live n’est pas neutre, impliquant également des choix : décidant quand filmer ou pas.
Journaliste 2, Mediapart
On n’est pas censé tout savoir, on va sur le terrain et on recueille des informations
« J’ai rappelé tout à l’heure la charte déontologique des journalistes. Cette charte dit qu’on n’est pas censé tout savoir, que normalement, quand on va sur le terrain et qu’on recueille des informations, on est censé retranscrire le mieux possible, le plus fidèlement possible. […] Ce « plus fidèlement » c’est un champ très vaste.»
Journaliste, ex-La Marseillaise
Confier son témoignage à un journaliste n’est pas simple
« Confier son témoignage à un journaliste n’est pas simple. Le travail de terrain demande du temps, une relation de confiance, demande donc d’appliquer cette fameuse charte déontologique. Donc ça demande de l’altérité aussi, de prendre le temps de comprendre, d’analyser, avant de traiter l’information pour être fidèle à ce qu’on nous a confié. C’est précieux ce que confient les gens de terrain et notamment les Gilets jaunes et je ne suis pas là pour les défendre »
Journaliste, ex-La Marseillaise
Ça paraît complètement aberrant de se passer d’interviewer des gens
« Et le bon traitement d’une manifestation c’est évidemment celui qui consiste à être sur le terrain parce qu’une manif c’est un événement donc ce n’est pas possible de le traiter de manière théorique, et se contenter de reprendre les faits donnés par l’AFP : ça produit une uniformisation du discours tenu sur la manifestation alors que justement, sur ce type d’événement, on a besoin de plusieurs regards pour embrasser en fait la totalité de l’événement, et en fait plus on a de regards, quand je dis regard, c’est points de vue, plus vous pouvez appréhender ce qui s’est passé et comprendre l’événement. Donc c’est très important d’avoir le plus de journalistes possibles et d’avoir une pluralité de traitement de ces événements sans se contenter de reprendre l’AFP. Donc évidemment le mieux c’est qu’il y ait le plus de journalistes sur le terrain, et ensuite, une manifestation c’est toujours par définition des gens qui sont dans la rue pour défendre des idées. Donc ça paraît complètement aberrant de se passer d’interviewer des gens pour leur demander pourquoi ils sont là, et c’est vrai que c’est quelque chose qu’on trouve dans beaucoup de traitements qui se contentent de raconter les faits, donc les violences, sans forcément donner la parole aux gens qui sont là. »
Journaliste 1, Médiapart
Vous êtes confrontés à des médias qui font pas leur boulot
« Donc là en fait vous êtes confrontés à des médias qui font pas leur boulot, c’est-à-dire qui au lieu de chercher eux-mêmes un “gilet jaune” intéressant, d’aller eux-mêmes en manif en chercher, comme ils n’ont pas le temps d’aller sur le terrain, ils tapent dans Google, ils tombent sur l’émission C politique, ils voient cette fille de l’émission, ils la trouvent intéressante, ils l’appellent.
S’ils étaient eux même allés sur le terrain, ils auraient eu eux-mêmes un interlocuteur alors que là en fait comme on ne nous demande plus d’aller sur le terrain, pour trouver des sources on fait comment ? On va lire les articles d’autres gens ou on va regarder les émissions d’autres gens, donc ça crée un effet de concentration dans les sources journalistiques qui est évident. Moins vous avez de journalistes qui vont sur le terrain, structurellement, moins vous avez de sources variées en fait. Parce que les gens qui font du desk, qui calent des gens sans aller eux-mêmes sur le terrain ils trouvent leurs interlocuteurs en lisant les articles de confrères. Du coup c’est un peu le problème qui s’est posé pendant les gilets jaunes. »
Journaliste 1, Médiapart
On ne fait pas assez confiance dans les rédactions aux gens qui font l’information
« Le problème aussi c’est qu’effectivement les gens qui ont le plus de pouvoir dans les rédactions, c’est-à-dire les rédacteurs en chef, les directeurs de la publication, sont des gens qui bien souvent n’ont pas écrit d’articles et ne sont pas partis sur le terrain depuis 10-15 ans, donc qui sont déconnectés de la réalité des choses. Quand je dis partir sur le terrain c’est aussi qu’ils n’ont pas réalisé eux-mêmes d’interviews de gens lambda, d’experts, ils ne font que lire des articles. Sauf qu’en fait c’est pas la même chose de lire des articles et de les faire, en fait les gens qui sont à la tête des rédactions ils relisent les articles, ils n’ont pas toutes ces informations, ces à-côtés qu’on met pas dans l’angle, mais qui vous aident à avoir une analyse, une lecture fine. Et c’est vrai qu’on fait pas assez confiance dans les rédactions aux gens qui font l’information »
Journaliste 1, Médiapart
Les médias vont de moins en moins sur les terrains. Comment ils s’informent ?
« Après c’est sûr qu’il y a un souci qui est lié à la concentration et l’imitation des médias les uns avec les autres. C’est vrai que les médias vont de moins en moins sur les terrains. Comment ils s’informent ? Avec l’AFP et en lisant les autres. Les décisions sur « qu’est-ce qu’on traite aujourd’hui », « comment on va traiter l’actu », etc. se prennent à partir de l’AFP et des autres médias, du coup tout le monde s’imite un peu, et fait un peu la même chose y compris dans les choix. »
Journaliste pigiste, ex-Direct Matin, La Croix, presse professionnelle spécialisée
Difficile de traiter ces questions en restant derrière son bureau
« Pour les Gilets jaunes, nous privilégions le travail de terrain ; il nous semble difficile de traiter ces questions en restant derrière son bureau. Ceci dit, cela fait également partie de notre travail ; j’échange régulièrement avec des groupes de Gilets jaunes par mail ou via Facebook, ne pouvant être partout.
Mais cela reste essentiellement du terrain, du reportage et des témoignages que nous mettons à distance. »
Journaliste 1, Mediapart
Pas là pour être pour ou contre, notre rôle est d’être sur le terrain
« En tant que journalistes, nous ne sommes pas là pour être pour ou contre, notre rôle est d’être sur le terrain, il n’est pas de dire aux gens ce qu’ils doivent penser. Nous n’avons pas de volonté de dire ce qui est bien ou mal, nous essayons de montrer l’ensemble des aspects d’un événement pour que les gens puissent se faire leurs propres opinions. »
Journaliste, Brut
L’État doit les moyens aux journalistes de sortir des murs
« Il s’agit alors pour l’État et les collectivités locales de donner les moyens aux journalistes de sortir des murs quand ils produisent. Littéralement sortir des murs : aller sur le terrain, explorer la France, se rendre compte que si Denain n’est pas la France, c’est tout de même une France à prendre en compte et à représenter. »
Photographe documentariste
Le journalisme miroir de la société, sans fissures ni hors-champs
« Nous avons un rôle d’éducation populaire qui passe évidemment par le cadre d’ateliers et d’interventions dans les classes, mais aussi par l’exercice quotidien d’une éthique professionnelle. Faire relire nos interviews, discuter, aller à la rencontre des personnes est indispensable d’après moi. Ces dernières années, j’ai observé la nécessité d’être beaucoup plus présent auprès des gens. Il y toute une tranche de la population qui ne se retrouve pas dans les référents culturels – qui sont ceux de personnes d’études supérieures élevées, et qui ont besoin que le journalisme soit enfin le miroir de la société, sans fissures ni hors-champs. »
Photographe documentariste
Nous sommes chargés de raconter les faits
« Le rôle du journalisme est de raconter la réalité du terrain, en étant le plus objectif possible. Au contraire des éditorialistes, les journalistes ne peuvent donner leur avis et se doivent d’être objectifs. Nous sommes chargés de raconter les faits, de témoigner de ce que l’on voit, en étant le plus objectifs possible. »
Journaliste pigiste, BFMTV, M6, Infosport+, La Chaîne l’Equipe